Par la décision, prise à la fin du XIX° siècle, de ne plus mélanger les tableaux pour une meilleure visibilité, les conservateurs ont développé une caractéristique propre à l’art contemporain et à ses espaces d’accrochages : le vide autour des œuvres. Les nouveaux musées ou galeries construits sur cette idée de l’espace blanc, s’apparentent de plus en plus au « white cube »*. Les œuvres isolées, accrochées à hauteur d’œil, jouent le rôle de cibles. Ignorant le corps du spectateur, elles font abstraction du lieu pour mieux inciter celui-ci à se projeter mentalement au delà de sa surface picturale.
A l’opposé de ce procédé visant à nier le lieu, mon travail artistique le prend comme point de départ et comme de nombreux artistes, je joue avec celui-ci et ses « habitants » pour tenter de leur faire découvrir ou redécouvrir un environnement souvent oublié.
Peindre in situ induit un ensemble de facteurs variables et valables pour la peinture en général. Mais ici, la spécificité de l’in situ implique un regard et une analyse tout différents. A travers l’installation ou non, la peinture in situ permet un décloisonnement des disciplines artistiques. Ainsi la peinture n’est plus un art isolé, autonome ; elle peut aussi bien prendre en compte les notions de sculpture, d’architecture que la participation du public.
* Expression de Roger CAILLOIS, in l’Abstraction faite du spectateur de C. BESSON, p 82
L'espace
L'espace désigne une partie du lieu, d’un point de vue de sa spatialité, de son volume, avec la particularité de ne pas avoir d’histoire ni de fonction. L’espace n’est pas une réalité en soit.
Dès l’antiquité, Aristote définit l’espace comme « contenant de choses ». Pour lui, l’espace est nécessairement un creux limité à l’extérieur. Pour KANT, cet espace préexiste aux êtres qui viennent s’y inscrire.
L’espace est une notion abstraite, il est partout et tout objet comme l’homme a sa propre spatialité. Dans cette étude, nous parlerons principalement d’espace architectural, sculptural et pictural.
L’espace architectural peut se définir comme la relation entre des objets et des plans qui définissent une limite. La peinture et la sculpture ont elles aussi leur spatialité. La peinture, en général, propose une spatialité bi-dimensionnelle aux spectateurs. Elle n’arrive à créer une tri-dimension qu’en usant d’artifices, la perspective étant l’un d’eux. Face à ce type de toile, le spectateur pénètre mentalement et se retrouve projeté au-dedans de la surface. La peinture peut aussi remettre en cause son propre espace en y intégrant d’autres éléments qui feront sens, comme l’épaisseur de sa tranche, la visibilité des agrafes ou bien le collage sur sa surface d’objets divers. Dans la peinture in situ, non seulement l’espace pictural change, mais il fait aussi appel à l’espace du lieu.
Le lieu
Toujours par rapport à la définition d’ Aristote, le lieu (topos) est l’enveloppe des corps qu’il limite. A la différence de l’espace, le lieu a ses racines et son histoire. Le lieu, c’est ce qui est occupé. Il est ancré dans le temps et possède un endroit géographique bien précis. Le lieu enferme aussi l’idée de site, de fonction, de politique, de social et de culturel. L’exploration d’un lieu et la déambulation du spectateur nécessitent du temps et favorisent l’événement.
Nous pouvons définir trois sortes de lieux : le lieu public où l’artiste pourra confronter son travail au regard du grand public (à travers la rue, les transports en commun...), le lieu privé propre au collectionneur et à l’amateur d’art puis enfin le lieu institutionnel qui propose de montrer des œuvres pour divers mobiles (conservation, pédagogie, argent...).